Voici donc le deuxième billet sur ce que j’ai fait durant les 10 derniers mois pour établir les fondations qui sont en train de me permettre de réajuster mes stratégies d’adaptation vieilles de plus de 45 ans. 😉

Mon plan de match est complexe, mais pour pouvoir bâtir, il faut des fondations solides. Voici les 3 grands volets de mes travaux : mon environnement, la socialisation et mon boulot. Quand tout ça va bien, en général la vie est agréable. 🙂

Avant que je ne l’oublie, s’il y en a qui aimeraient la version « conférence » de ce billet, je serai avec Bertrand Beauté, mon patron, à l’espace Desjardins ce 15 novembre prochain sur l’heure du midi pour une petite conférence sur le sujet. Pour vous inscrire : https://www.eventbrite.ca/e/billets-la-neurodiversite-les-avantages-de-linclusion-mtl-52222591176

Priorité 1 – Le travail

Quand j’ai commencé à travailler avec ma coach, on a commencé par parler du boulot. Pourquoi? Oui, c’est mon gagne-pain, et oui, j’y passe une grande quantité de temps, mais…

Plus important encore, je travaille dans un domaine qui représente un intérêt spécifique pour moi; c’est une passion. Je me retrouve donc fortement impliqué personnellement dans mon travail. Et la cerise sur le sundae : mon boulot représente la plus grande portion de mes contacts sociaux, et c’est ma grande faiblesse.

Question de mettre un peu en contexte…

Ça fait 23 ans que je travaille pour Desjardins, dont 18 en technologie de l’information. Dès que je suis tombé dans le monde des T.I. J’ai compris que j’avais un profil, disons… atypique. J’ai étudié en Communication marketing et Management, mais j’ai également un intérêt spécifique, et une passion, pour la technologie.

Disons aussi qu’en terme de carrière, les Aspergers (TSA), on a souvent tendance a devenir des experts plutôt que des gestionnaires. Pourquoi? Parce qu’on a le cerveau davantage structuré pour gérer les détails que les humains. 😉 Ça me permet souvent de créer des liens où les autres n’en voient pas. Par contre, d’un point de vue humain, c’est plus difficile pour moi.

Aujourd’hui, j’ai un poste qui me permet d’exploiter cet intérêt spécifique, et d’influencer mon organisation. J’ai l’impression que ma neurodiversité aide beaucoup avec mes défis quotidiens, et me permet de voir et d’amener les choses d’une autre façon. Disons que c’est plus facile pour moi de « sortir du cadre »!

Maintenant, s’il y a beaucoup d’avantages, il y a aussi beaucoup de défis…Et ceux-ci ne sont pas d’un point de vue des tâches à effectuer et des connaissances; ça c’est sous contrôle (je pense!) 😉 Non; mes défis sont plutôt :

1- Aller et retour boulot maison

L’hypersensibilité, l’analyse constante de l’environnement, la concentration sur les consignes sociales font en sorte que les moments où il y a beaucoup d’interactions sociales prennent énormément d’énergie et génèrent de l’anxiété. La conduite automobile dans le trafic est encore plus anxiogène que le transport en commun.;-)

2- L’environnement physique dans lequel je travaille

Sujet un peu plus délicat : l’environnement de travail. Il y a, actuellement, beaucoup d’idéologies et de courants. Mais en général, le travail de bureau amène souvent le concept de «cubicule »de travail. Les tendances étant à la collaboration, les cloisons ne sont plus aussi hautes qu’avant, ce qui amène de gros défis pour moi en termes d’hypersensibilité. En plus de ça, j’ai une timbre de voix distinctif et qui porte, ce qui peut déranger les autres, et génère chez moi l’anxiété associée aux « erreurs sociales ».

3-Les relations de travail

Ça c’est le plus difficile. Un peu comme à l’extérieur de la vie professionnelle, c’est ce qui demande le plus d’énergie et de travail. Tout expliquer en détail serait trop complexe pour un billet de blogue! ;-). gardons juste en tête que :

  • Je suis très impliqué  personnellement dans mon travail.
  • J’ai un système d’émotions différent. J’en gère une douzaine comparativement à près de 75 pour un neurotypique.
  • Mes semblables et moi avons de la difficulté à saisir et comprendre les intentions des autres
  • Les consignes sont très importantes pour moi à cause de la peur de faire des erreurs, causées parce qu’on ne comprend pas les choses comme tout le monde.

Pour toutes ces raisons, les relations avec les collègues, et partenaires, peuvent devenir ardues. C’est dans la compréhension et l’interprétation commune des informations que nous sommes différents. Quand vient le temps de la collaboration ou la négociation, ce n’est pas évident si on ne partage pas le même code.

Des solutions

Pour les éléments de solutions suivants, j’aimerais que l’on garde en tête que tout ça a été vu, validé, et fait en collaboration avec mon équipe de gestion Desjardins. C’est tellement bien de voir à quel point Desjardins fait de la place à la diversité et l’inclusion au quotidien dans l’organisation.

Horaire de travail
Depuis une quinzaine d’années, je commence très tôt. Je devance l’heure de pointe, et je quitte donc un peu plus tôt aussi, ce qui me permet d’éviter la cohue. Je prends les transports en commun, ce qui réduit mes chances d’avoir des problèmes et de vivre l’expérience du trafic.

Télétravail
Je ne peux pas cacher que lorsque j’ai la possibilité de télétravailler, je la prends. Je me considère aussi chanceux d’avoir cette possibilité. Ce n’est pas toutes les organisations ni tous les types de postes qui permettent ça. Quand je télétravaille, je gagne beaucoup en énergie et en productivité.

Bon, il faut dire qu’en raison de mon intérêt spécifique pour la technologie…ben je ne me suis pas mal équipé chez moi. 🙂 J’ai un bureau assis debout qui me permet de donner des webinaires en demeurant dynamique malgré la distance. J’ai plusieurs écrans qui me permettent de travailler sur plusieurs choses simultanément. Bref, je suis bien équipé, mieux qu’au bureau et mieux adapté à mes besoins.

Mes écouteurs
Dans le métro, au bureau et dans les situations sociales, jai des écouteurs pour m’isoler de la trop grande quantité de stimuli. Au bureau, à part les moments où je suis en communication, réunion ou téléconférence, j’ai mes écouteurs sur les oreilles. C’est primordial pour moi. Étant hypersensible, le son est mon sens le plus sollicité et réactif.

J’écoute de la musique la plupart du temps, mais j’ai aussi une application de « white noise » (bruits ambiants) ce qui, dans mon cas, va souvent aider à ma concentration.

Bureau le plus isolé possible
Mon bureau est au bout d’une allée, et dos à l’activité de l’ensemble de l’équipe. Il y a donc aussi moins de stimuli visuels pour venir me distraire.

Programme de choix d’environnement de travail
Desjardins met en place actuellement un programme qui permettra de choisir les environnements de travail en fonction de l’expérience dont on a besoin, et ce, quotidiennement. Je crois fortement que ce type d’initiative aidera beaucoup les personnes comme moi. J’ai hâte d’essayer.

Méthode de travail

J’essaie différentes méthodes de travail pour m’aider. La technique Pomodoro par exemple, me permet d’exploiter toutes mes capacités sans combattre cette difficulté à rester concentré longtemps.

Elle consiste à travailler par effort de 25 minutes puis pause de 5 minutes, 25 minutes puis pause de 10 minutes. Et on recommence. Je commence avec un sujet, passe à un deuxième, et je reviens au premier. Bref, je compose beaucoup mes journées comme ça. Je trouve ça aidant.

Outils d’aide
Avec ma coach, j’ai pris l’initiative de bâtir deux outils pour m’aider. Un pour l’équipe de gestion, et un autre pour les collègues et partenaires.

Avec les collègues :

Une grande partie des difficultés vient du fait que les gens ne savent pas pour moi, et connaissent peu le TSA et le TDAH. C’est un peu normal, car l’Asperger est facile à cacher/difficile à déceler. On a plein de stratégies d’adaptation qui nous permettent que ça passe inaperçu …

J’ai aussi bien compris que si j’en parle, en général, les gens sont un peu plus sensibles à la situation. J’ai monté un tableau avec ma coach qui a deux objectifs :

  1. Informer sur ce qu’est le TDAH et l’Asperger, et ce que sont les  « manifestations »
  2. Donner des pistes ou idées pour faciliter les relations et communications avec moi

Ce tableau, je le sors lorsque j’ai à travailler avec quelqu’un avec plus de proximité pour un certain temps, ou pour un nouveau membre de mon équipe proche.

À l’intention de l’équipe de gestion.

En plus du diagnostic que j’ai fourni, ma coach et moi avons aussi préparé une lettre à l’intention de mon équipe de gestion. Elle identifie et explique les plus grands enjeux au travail et propose des pistes de solution qui pourrait venir m’aider. Voici deux petits extraits :

 

 

Mon Boss

Bertrand et moi lors d’une conférence sur le Digital Workplace

Je garde le plus important pour la fin! Je ne peux faire autrement que de dire que la relation de confiance avec son patron est ce qui a de plus important. Bertrand Beauté et moi ça clique! Pourquoi? Parce que je suis capable d’aller aborder TOUT ce qui représente un défi pour moi avec lui. Bertrand est très à l’écoute, et il m’aide. Je n’ai jamais l’impression qu’il juge la nature du problème, ou la situation que je lui amène. Disons qu’en général mes enjeux sont différents de ceux des autres membres de mon équipe 😉

Par exemple, la perception des intentions est un truc que je travaille beaucoup avec lui. Ayant à « dealer » avec certains concepts politiques organisationnels, comme dans toute entreprise, la perception des intentions des différents intervenants autour d’un projet, incluant les intentions des collègues et partenaires, peuvent être un défi.

J’ai toujours un retour rapide de la part de mon boss. C’est le genre de chose dont on parle aussi dans nos statutaires, Bref, j’ai toujours la chance de pouvoir valider ma compréhension des choses avec lui.

Je crois que Bertrand serait d’accord pour dire qu’une fois que j’ai compris, qu’on a enligné mes perceptions, et que tout se tient, le problème est réglé quand j’ai bien compris. C’est facile pour moi d’être autonome, et en général, je livre la marchandise.

Il y a le volet humain aussi…

Le premier défi a été de pouvoir m’ouvrir sans analyser; à dire les vraies choses, pas maquillées et biaisées par mes vieilles stratégies d’adaptation. Et surtout, à faire confiance. À ma grande surprise, mon boss était allé lire sur ma condition, avait pris de l’information, et j’ai découvert chez lui une grande ouverture à la neurodiversité.

Aujourd’hui, je peux dire que là où il a pu intervenir, il l’a fait. Toujours la porte ouverte pour parler lorsque j’ai besoin de validation ou de conseils, peu importe la nature. Même dans la reconnaissance que je reçois,  on tient compte de ma neurodiversité. 😊

En terminant
C’est difficile de terminer ce billet, car il y a tellement de choses que j’ai regardées par rapport au travail dans les derniers mois. Ça commence à être difficile pour moi d’être succinct, car je réalise de plus en plus que tout est attaché ensemble. 😉

Je me doute que je vais avoir l’air un peu « téteux », mais je l’assume… Le choix de l’employeur, ou de rester pour un employeur, dépasse parfois juste le concept de conditions salariales ou d’avantages sociaux. Si je suis encore aujourd’hui, après 23 ans, chez Desjardins, c’est un peu aussi à cause de la place qu’on a bien voulu me faire malgré mon handicap social! 😉

Prochain billet, on parle de socialisation… « Élémentaire mon cher Watson! » 😉

Droits de l’image titre – Contenu « creative Commons »

Publié par Philippe Ouellette

Je suis Geek et fier de l'être. J'ai 15 ans d'expérience dans les technologies de l'information. Travaillant sur plusieurs plateformes, je suis expert utilisateur des solutions Microsoft dont SharePoint et Office365. Souvent premier à essayer de nouveau produits ou concepts, je fais partie des novateurs et j'aime à cultiver la créativité et l'innovation au quotidien. Je suis aussi un grand disciple d'un mode de vie santé. Je pratique activement le canicross, la course à pied, le vélo, le badminton et la randonnée pédestre.

2 commentaires

  1. Bravo Philippe, un magnifique article 👏🏼

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  2. Excellent article Philippe! Je te trouve très courageux. Je suis très anxieuse de nature et hypersensible. J’ai comme toi développé des stratégies d’adaptation mais tout ça est épuisant. J’ai comme toi la chance d’avoir une gestionnaire humaine. Plus on parlera de nos différences moins il y aura de tabous. Dommage que je ne puisse assister à ta conférence! Merci de partager ton expérience.

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